mardi 26 mai 2009

Les idoles*

En soirée, nous étions environ six à boire le thé devant la maison.


Ce fut une autre occasion pour moi d'apprendre de nouveaux mots en bambara, mais aussi de continuer ma quête vers la connaissance culturelle du pays. J'en ai profité pour faire un aller-retour chez Salia, un voisin, afin d'acheter des sacs de jus de gingembre et de jus de bissap (ressemble à du jus de fruits rouges) pour tout le monde. Ils étaient tous heureux de se rafraîchir sous cette chaleur humide et écrasante, signe que la saison des pluies approche à grands pas de mouches.


Ce qui est plaisant dans les grins (groupes de discussion), c'est que les discussions surviennent naturellement, et que dans chacune, il y a toujours une nouvelle richesse. Hier, nous avons abordé le thème de Dieu. Le gardien de la maison voisine, Amadou, un Dogon, parlant un peu le français, le bambara et le dogon, m'a demandé à quoi ressemblait Dieu. Pour plaisanter, j'ai dit qu'il avait une grosse barbe blanche (un peu comme on a tendance à voir dans les films hollywoodiens). L'effet a été immédiat, Amadou s'est recroquevillé et il a ri pendant un bon deux minutes ! Les autres aussi riaient. Se représenter Dieu en un homme est une idée farfelue ici !


Amadou n'est ni musulman, ni chrétien. Il est animiste. Cela consiste à croire en la vie dans les objets. Bref, les objets choisis par ces croyants deviennent animés. Nous sommes habitués de voir cette croyance dans les films d'horreur, surtout quand il est question de poupées voudoues. Il y a beaucoup d'animistes dans les villages. Ici, à Bamako, ils ne sont pas bien perçus, surtout à cause de la religion musulmane qui considère les animistes comme des hommes sous le charme de Satan. Bref, dans chaque objet animé se trouve l'esprit du diable.



J'étais intéressé à obtenir une poupée voudoue, mais ils ont rapidement essayé de me convaincre de ne pas m'aventurer dans cette démarche. Ils m'ont plutôt conseillé d'acheter un idole positif, c'est-à-dire une poupée voudoue ne servant que de décoration, qui ne possède pas de propriétés d'enchantement.

Les idoles négatifs, au contraire, ont des propriétés surnaturelles. On dit que suite à l'acquisition d'un idole négatif aux pays Dogon (une région du Mali), l'acquéreur ne peut dormir. La poupée ne cesse de le réveiller en répétant son nom, allant jusqu'à lui donner des ordres, jusqu'à ce qu'il prenne soin de lui. Parler aux idoles est donc chose fréquente. Les offrandes aussi.

Idolâtrer consiste à sacrifier quelque chose de son existence en échange des services de l'objet en question. Certains idoles, par exemple, exigent de son acquéreur qu'il cesse toute relation amoureuse, sans quoi le pouvoir qu'il procure diparaît. Il parraît que certaines personnes donnent du sang d'animal à leurs poupées ! Je ne sais pas si ce sont toutes les poupées qui doivent être nourries ainsi.

Toute cette histoire de poupée semble bien bizarre, pour nous occidentaux à la pensée rationnelle, eh bien laissez-moi terminer ce texte avec une façon pratique d'utiliser une poupée : un voisin m'a raconté qu'il connaît quelqu'un qui a une poupée qui agit en temps que "gardien" de sa maison. A chaque fois qu'il revient à la maison, il lui demande tout ce qui s'est passé à la maison et la poupée de lui répondre tout dans les moindre détails. Ce serait moins dispendieux que les caméras, non ?

2 commentaires:

  1. Salut David!

    J'espère que tu vas bien. Es-tu l'un de ceux qui ont le paludisme?

    Pour ton info :

    Dans la mythologie grecque, certaines statuettes du dieu Héphaïstos (fils de Zeus et de Héra) avaient, lorsque placées dans la maison, la propriété d'éloigner les mauvais esprits. On appelle ça un effet « apotropaïque ». Comme tu peux le constater, le concept ne date pas d'hier!

    Intéressant quand même, hein?

    Guy

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  2. Salut David,

    Il paraît que beaucoup de villages en région rurale possèderaient des cases à gri-gris seulement accessibles aux initiés.

    À l'époque de la colonisation avant l'indépendance des pays africains, certains toubabs peut scrupuleux et avides de découvrir les rites de sorcellerie n'hésitaient pas, même sous la menace, à violer ses sanctuaires ou plutôt à s'emparer de force de ses cases à gri-gris sans l'assentiment des habitants des villages.

    Nos bons missionnaires, au non de notre Dieu prétendument supérieur à tout autre, ont ainsi pillé de façon indescente les secrets d'une culture qu'ils ont tout fait pour soumettre à leur faux monopole de vérité. QUELLE HONTE!!!

    Si jamais tu as l'occasion de visiter un de ces villages, discrètement, essaie de repérer l'une de ces fameuses cases à gri-gris, ne serai-ce que de l'observer du coin de l'oil et d'y accéder en pensée!

    Anne-Marie
    C. Desjardins

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